Cette présentation porte sur les troupes martiales (bu-tin, wuzhen en mandarin) constituées de trente-six combattants opérant dans les rituels processionnels taiwanais, abordées à partir de matériaux de première main recueillis dans la région rurale de Tainan (sud Taiwan) depuis 1988. Ces troupes escortent les dieux dans leur tour d’inspection du territoire en ouvrant la voie de leurs palanquins, en leur prêtant main-forte pour traiter de façon agonistique avec les ennemis invisibles mais tangibles de la communauté, que l’on se représente comme étant les âmes errantes d’anciens humains décédés dans des circonstances de malemort. Des démonstrations de force et de bravoure, de vivacité et de coordination, agencées soit en figures collectives soit en duo combatifs à mains nues ou armées d’armes blanches traditionnelles, se déroulent tout au long du parcours en des points sensibles du territoire et sur les parvis des temples, points de liaison entre le microcosme villageois et le cosmos. L’action a valeur de dissuasion pour l’ennemi quand elle ne figure pas directement une confrontation, voire une « expulsion ». Ces troupes et leurs prestations nous donnent la possibilité d’examiner la portée rituelle collective des pratiques martiales, encore à une époque contemporaine, et procurent une entrée privilégiée pour l’analyse des représentations cosmologiques et celle de la mise en scène des rapports d’échanges avec les partenaires surnaturels. Cette communication a été donnée au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac le 12 novembre 2021. Elle a été organisée par le département de la recherche et de l’enseignement du Musée (coordination : Anna Gianotti-Laban) et l’Institut des arts chinois du corps (INACC). Elle s’inscrit dans un programme de recherche dirigé par Georges Favraud, intitulé : « Culture martiale chinoise. Corps, Rituel & Société ». Un travail de rédaction et d’édition est actuellement en cours pour publier un ouvrage collectif sur ce sujet inédit en 2025.